[Etat des lieux] Où en est le e-commerce au Maroc ?
Le commerce électronique connaît un pic d’intérêt non négligeable au Maroc. Ces sept dernières années, nous avons vu, chez Synergie Media, les demandes de déploiement de solutions de paiement en ligne exploser. Et chacune de mes interventions lors d’événements dédiés à l’entrepreneuriat finit inéluctablement par une série de questions autour du e-commerce.. Il était temps de faire le point sur les chiffres, les acteurs et les nouveautés de l’e-commerce marocain.
Quelques chiffres…
Le pays compte selon les derniers rapports de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) plus de 6,9 millions d’abonnés internet, soit une croissance trimestrielle de 10,6% et annuelle de 57,3%. Le taux de pénétration internet se serait ainsi établi vers la fin de mars 2014 à 19,45%, ce qui signifie que près d’un marocain sur cinq disposerait d’un abonnement internet, et que la communauté d’internautes s’élèverait à plus de 16 millions de Marocains. Un net avantage est néanmoins à souligner pour l’internet mobile (qui représente 86% des parts de marché de l’internet) qui dépasse de loin l’ADSL en nombre d’abonnements.
Selon Maroc Telecommerce, premier opérateur de commerce électronique du pays, le montant des opérations d’achat et de paiement sur internet serait passé de 3,8 millions de dollars en 2008 à plus de 90 millions de dollars en 2012, avec 1,25 million de transactions traitées rien que sur sa plateforme. Le Centre Monétique Interbancaire surenchérit avec 9,5 millions de cartes bancaires marocaines en circulation en 2013, et plus de 171 millions d’opérations réalisées entre janvier et septembre 2013, soit un montant de transactions global de 17,7 milliards de dollars.
Que signifie ce déluge de chiffres ?
- De plus en plus de marocains accèdent régulièrement à internet
- De plus en plus de cartes de paiement sont émises par les banques marocaines
- De plus en plus de marocains paient en ligne
Les acteurs du marché
Alors, à qui profite ce boom au Maroc ? A la fois aux acteurs traditionnels de la banque et de la monétique et aux nouveaux acteurs du e-paiement et aux e-commercants.
Les Prestataires de Service de Paiement (PSP) : Le premier PSP marocain est Maroc Telecommerce (MTC) qui opère sur le marché depuis 2001 suite à une initiative de plusieurs banques. Les derniers mois ont vu l’émergence de plusieurs concurrents, le plus médiatisé d’entre eux reste AmanPay qui souhaite se positionner en tant que solution alternative qui réinventerait le paiement électronique. Cette ouverture à de nouveaux acteurs ne s’est pas fait sans bruit, en janvier dernier, Wamda était revenu sur les accusations de monopoles et les nouvelles offres. Lire l’article.
Le Centre Monétique Interbancaire : Fondé par neuf banques marocaines, le CMI est un organisme qui gère la relation monétique avec les commerces et permet le traitement de retraits interbancaires. En acquérant MTC, le CMI crée un monopole de fait vivement critiqué par certains acteurs du marché. Wamda a fait le point en janvier sur les reproches qui lui sont faites.
Les banques : La volonté des banques marocaines est claire, promouvoir au maximum l’utilisation d’internet autant pour les transactions courantes que pour les achats et la gestion des comptes. Pour ce faire, une panoplie d’applications iOS et Android a été mise en ligne, et l’offre des cartes de paiement s’est étoffée avec un cout annuel fixé aux alentours des 6 dollars pour celles dédiées aux sites marocains et des 13 dollars pour celles dédiées aux sites internationaux.
Les sites marchands : Selon l’institut d’enquêtes et de sondages Averty, dans un dossier publié en collaboration avec The Nexties, les marocains achètent avant tout des deals et des voyages, puis dans une moindre proportion des produits informatiques et des vêtements, et pour régler des factures et payer des services web. Retrouvez tous les chiffres de l’étude ici.
Voici les acteurs locaux principaux :
- Jumia, le clone de Amazon lancé en fanfare par Rocket Internet
- Hmizate, le site des deals qui a levé 1,6 millions de dollars
- Hmall, la market place créée par l’équipe de Hmizate
- Shoppeos, le site de e-commerce du groupe Azran, spécialiste du textile
- Microchoix, le spécialiste de l’électronique, de l’électroménager et des consommables informatiques
Ce boom pourrait être encore plus fort si seulement…
Pour autant, la croissance du e-commerce marocain est ralentie par de nombreux défis qui empêchent l’augmentation à la fois de l’offre et de la demande.
Il ne faut pas se leurrer, les démarches qui précèdent la mise en place des solutions de paiement en ligne sont trop compliquées et onéreuses pour que les micro-entreprises et les coopératives artisanales et agricoles passent en ligne. Un travail de simplification et d’allégement des frais de déploiement doit être effectué.
Les commerçants doivent également faire l’effort de traduire leurs sites en langue arabe, actuellement sous-représentée malgré son fort potentiel, et s’intéresser au mobile, deux secteurs en pleins boom et pourtant inexploités.
Des efforts doivent aussi être fournis afin d’offrir aux acheteurs une meilleure expérience-utilisateur et leur inspirer confiance. Cela passe par la transparence avec la mise en avant des cordonnées, des certificats et du logo du PSP utilisé, et le déploiement d’une solution de messagerie instantanée qui permettrait d’échanger avec les gérants du site.
Les sites de e-commerce pourraient aussi bénéficier d’une meilleurea communication, notamment sur les réseaux sociaux. Une meilleure utilisation de ces medium permettrait aux e-commerçant de promouvoir leur site et de transformer chaque client satisfait qui devient systématiquement un ambassadeur de la marque.
Les prémices d’un avenir prometteur pour le commerce en ligne au Maroc
Pour finir sur une note positive, il est important de noter l’évolution de l’offre, les efforts portés à la sécurité et le potentiel du marché .
L’arrivé de nouveaux acteurs prouve la bonne santé du marché, on a déjà parlé de l’arrivée de nouveaux prestataires de paiement, mais il faut aussi noter l’arrivée de sites marchands qui sortent des sentiers battus, comme l'e-épicerie fine Maroc Terroir ou les magasins solidaires et équitables Blad Lkhir.
Un autre point prometteur est le soucis croissant pour la sécurité en ligne. La Loi 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel oblige les sites et les prestataires à protéger les données de leurs utilisateurs contre des utilisations abusives ou des détournements. En parallèle,les banques ont lancé dès avril dernier le système d’authentification 3dsecure qui vise à limiter les fraudes et rassurer les acheteurs et les marchands. Ce nouveau système nécessite, en plus du numéro de la carte, sa date d’expiration et le cryptogramme, un code (à usage unique ou identique pour toutes les transactions d’un même client) reçu par la banque pour s’assurer de l’identité de l’utilisateur de la carte.
Sans oublier les indices positifs de l’évolution constante du marché dont la taille s’est multipliée par 20 en quatre années seulement, avec des prévisions d’expansion très enthousiastes où seules 120 000 cartes de paiement sur plus de 9,5 millions en circulations sont actuellement utilisées pour le paiement sur internet. Le meilleur reste donc à venir !