Ville Propre, une application pour ramasser les déchets au Maroc
L’un des nouveaux modèles d’affaires démocratisés par l'avènement des smartphones et la prééminence du digital, est le crowd-sourcing. Il permet aux startups de recourir à une foule d’utilisateurs pour contribuer à la résolution d’une problématique donnée.
Inspirée par ce concept, M3Kod, une agence de développement web et mobile basée à Marrakech, a lancé Ville Propre, une application qui a l’ambition de transformer chaque smartphone en un outil de signalement, de réclamation, et de géolocalisation pour la collecte des déchets urbains.
Citoyen connecté, citoyen engagé
Au Maroc, le taux de pénétration et d'utilisation des smartphones est de 124%. Parmi ces utilisateurs, 8,1 millions naviguent sur internet avec leurs mobiles, soit 23% de la population.
Autant de personnes que Ville Propre souhaite convertir à des gestes responsables, verts et écolos.
L’application a été fondée par deux ingénieurs-développeurs, Mouhsin Bour Qaiba et Mostapha El Alaoui, et un designer, Mustapha Amraoui. Le premier est de Beni Mellal et les deux autres de Marrakech. Elle est disponible depuis août 2016 en versions Android, iOS, et web, et se décline sous la forme d’un réseau social dédié à l’environnement.
Pour cette activité, la jeune pousse a pour partenaires officiels la Commune Urbaine de Marrakech, et le Ministère de l'Energie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement.
« Aujourd’hui on collabore avec la mairie de Marrakech et Salé, et nous avons des rendez-vous avec deux maires, ceux de Casablanca et Rabat, ainsi que d'autres villes du royaume », explique à Wamda, Mouhsin Bour Qaiba, cofondateur et CEO de M3Kod.
Selon les chiffres de la startup, l’application a été téléchargé plus de 8 000 fois, et a reçu 3 000 réclamations, dont 60% ont été résolues. Elle enregistre 4000 visiteurs par mois au niveau du site web, et 80% d’utilisateurs actifs. Ces chiffres ont déjà séduit 20 partenaires.
Une seconde vie pour les déchets
Le deuxième service permet aux citadins d’être accompagnés par des entreprises de recyclage pour initier un processus de tri à la source. Ils reçoivent des sachets colorés pour différencier les matières triés et bénéficient d’un service de collecte. Un service encore balbutiant au Maroc, où sur les 5,2 millions de tonnes de déchets ménagers produits par an, seuls 10% sont recyclés.
Actuellement, les cofondateurs travaillent avec deux sociétés de recyclage. Ecolo Recyclage, basée à Agadir, et Valenvi basée à Casablanca.
« Pour qu’elle puisse démultiplier son impact, Ville Propre a besoin d’agrandir sa communauté et de fédérer plus de gestionnaires de services publics. Le débat actuel concernant la Smart City et le développement communal est une opportunité à saisir … Je ne manque pas de recommander à toutes les entreprises sociales de mesurer leur impact. Aujourd’hui, les potentiels partenaires cherchent surtout à voir des indicateurs fiables », analyse Meryem Kabbaj, consultante et chercheure spécialisée en entrepreneuriat social à l’Université Hassan II de Casablanca.
Lancée initialement à Marrakech, la solution digitale est actuellement opérationnelle dans toutes les villes du royaume. Elle a instauré un système de “gamification” pour encourager et gratifier les utilisateurs les plus collaboratifs. Des points d’engagement citoyen sont octroyés aux utilisateurs après chaque action.
Pour consommer leurs points, les usagers choisissent parmi une liste de cadeaux offerts par les nombreux partenaires de la startup, tels que des recharges téléphoniques, des bons de restaurant, des coupons de réduction, des tickets de cinéma ….
« On reçoit de nos partenaires corporates des contributions en argent ou en nature afin de fournir ces cadeaux à nos utilisateurs les plus actifs. En contrepartie, on a conçu au profit de ces partenaires un service dédié qui leur offre de la visibilité médiatique », détaille Mouhsin Bour Qaiba.
La monétisation, le nerf de la guerre
« Ville Propre se trouve face à un double challenge, à savoir répondre aux besoins de deux cibles différentes. D'une part les citoyens, et d’autre part les gestionnaires des services publics. Il faut alors non seulement veiller à satisfaire ces deux bénéficiaires, mais également trouver un modèle économique viable qui permet de durabiliser l’activité », estime Meryem Kabbaj.
Bâtie sur un modèle freemium, l’application est mise à la disposition des citoyens gratuitement.
La jeune pousse compte monétiser ses activités en facturant des abonnements annuels à ses partenaires institutionnels et corporates. « Nous avons développé deux applications SaaS –Software as a Service- reliées à l’application. Leur interface permet à nos clients de piloter et gérer l’activité générée par les utilisateurs », commente Mouhsin Bour Qaiba.
Au jour d’aujourd’hui, toutes les communes urbaines et sociétés de recyclage utilisent le service gratuitement, vu que le nombre d'utilisateurs n’a pas encore atteint une masse critique qui puisse justifier le passage à un modèle payant.
« Actuellement, on est concentré sur la traction. Notre unique objectif est d’augmenter le nombre des usagers. C’est le seul moyen qui puisse générer suffisamment de valeur pour que ces structures soient prêtes à payer pour notre produit », estime Mouhsin Bour Qaiba.
Le potentiel de la startup a été également salué par quelques grosses pointures comme Facebook par exemple. L’application a été accueillie pour un accompagnement au sein du programme “FbStart from facebook” et pour une accélération au sein du programme de City Bank “Growth Accelerator Tech for Integrity Challenge”. Elle a atteint la demi-finale de Big Booster Lyon en 2016 et a reçu la même année le premier prix du Moroccan Social Entrepreneurship Summit dans la catégorie Environnement et Durabilité.
Pour mener à bien sa stratégie d’acquisition de nouveaux utilisateurs, la startup envisage d’importants investissements en recrutement et marketing, et recherche 3 Million MAD (300 K USD) de fonds pour financer ces opérations.
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