En dépit du Global Entrepreneurship Summit, les startups marocaines attirent les regards
Le Global Entrepreneurship Summit (GES) avait lieu cette année à Marrakech sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, du 19 au 21 novembre. Cette initiative de la Maison Blanche vise, depuis cinq ans, à construire une culture de l’entrepreneuriat dans les pays à majorité musulmane.
L’événement, très politique, n’avait pas grand intérêt pour les entrepreneurs mais a été l’occasion d’observer l’évolution de l’écosystème startup marocain.
Un événement sans intérêt concret à court-terme
Comme on pouvait s’y attendre, cet évènement hautement politique s’est montré décevant pour les entrepreneurs. Les participants, en costume-cravate ou stilletos, étaient surtout là pour entendre des beaux discours politiques, génériques et creux, et entrevoir Joe Biden, la quasi totalité des ministres marocains, Akon et quelques chefs d’Etat africains. La présence d’entrepreneurs et d’organisations soutenant l’innovation parmi les speakers avait du mal à cacher l’omniprésence des ministres et autres politiciens.
Les entrepreneurs, eux, étaient à peine visibles. Le Village de l’innovation, censé représenter la nouvelle génération d’entrepreneur, était essentiellement dédié aux organisations de soutien comme Enactus, Startup Maroc, Réseau Entreprendre Maroc, ou encore Microsoft. Toutes font un travail exemplaire, mais n’était-il pas tout aussi important de découvrir les entrepreneurs maghrébins et leurs innovations ? De permettre aux décisionnaires de parler eux-mêmes aux fondateurs ? De laisser les entrepreneurs de la région se rencontrer, échanger et apprendre de leurs expériences ?
Le village de l'innovation
Quelques startups du Maghreb et d’Afrique ont pu bénéficier d’un stand à la demi-journée grâce à Startup Maroc et grâce à la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM). L’organisation patronale inaugurait ainsi son programme de soutien aux PME innovantes. Malheureusement, les startups ne disposaient pas de stands personnalisés ce qui leur a empêché d’obtenir la visibilité qu’elles méritaient.
Mais le plus gros problème de cet événement était ses valeurs, diamétralement opposés à celles de l’entrepreneuriat. Les beaux discours étaient plus valorisés que l’action et les formules à rallonge plus entendues que les phrases efficaces et droit au but. L’argent y a été dépensé sans compter, et sans efficacité (l’impossibilité de trouver de l’eau et de déjeuner le premier jour, ainsi que les toilettes fermés ont marqués les participants déshydratés). Et le networking n’était clairement pas la priorité (trouver la liste des participants était quasi mission-impossible).
La plenière
Enfin, il faut préciser que de global, l’événement n’avait que le nom, l’événement étant maroco-centré.
Heuresement, il y a un côté positif : il ne sera pas compliqué de faire mieux la prochaine fois ! Voici un petit truc que les grosses boites, les ONG et les programmes gouvernementaux devraient garder en tête s’ils veulent vraiment aider les entrepreneurs et aller plus loin que l’effet de comm : écoutez les entrepreneurs ! Ils vous diront ce dont ils ont besoin (de l’argent rapide, un cadre légal et fiscal adapté, du mentorat, des occasions de partager avec les entrepreneurs de pays voisins ainsi que d’économie plus matures, des relations commerciales avec les grosses boites etc). Invitez des entrepreneurs à participer à l’organisation, donnez de la visibilité aux startups, tournez l’événement autour d’eux, essayez par tout moyen de créer la discussion. Après, pour ce qui est de l’organisation, pourquoi ne pas aller voir des petites agences qui vont innover et viser une organisation parfaite ?
Malgré tout cela, l’événement était porteur de bonnes nouvelles car il a permis de mettre en avant, involontairement, l’évolution des startups marocaines et la volonté des structures institutionnelles d’offrir une aide concrète.
L’entrée dans une nouvelle ère pour les startups marocaine ?
De nombreuses startups nous ont en effet dévoilés être sur le point d’annoncer des levées de fonds, auprès d’investisseurs bien implantés au Maroc mais aussi auprès de nouveaux venus.
Plus intéressant encore, certaines ont été approchées par des consultants mandatés par des investisseurs traditionnels cherchant à investir dans l’innovation. Cela signifie non seulement que les investisseurs traditionnels sont prêts à mettre de l’argent mais aussi qu’ils ont compris qu’il s’agit d’un secteur qu’ils ne connaissent pas et qu’ils auront besoin d’aide extérieure pour comprendre les besoins des entrepreneurs, le potentiel des startups et ainsi investir intelligemment.
Il faut dire que les startups ont muri. Startup Maroc, la fameuse association derrière de nombreux concours de startups au Maroc, organisait pour la première fois la MVP Cup, un concours destiné aux startups possédant un MVP (Minimum Viable Product). On est bien loin des concours qui récompensaient une idée ou un business model comme il y a un an. Le gagnant, l’application dédiée à la découverte d’événements au Maroc, Ev.ma, a remporté la somme de 100 000 MAD (11 000 USD). Un beau coup de boost pour la startup auto-financée.
Younes Qassima, cofondateur de Ev.ma
Ce sommet était aussi l’occasion de découvrir une tendance intéressante : la volonté des grands groupes marocains à aider l’entrepreneuriat innovant et l’économie digitale. La CGME n’était pas la seule à avoir des choses à annoncer.
Othman Benjelloun, le président du groupe BMCE Bank, un groupe financier privé d’origine marocaine à vocation panafricaine, a annoncé le lancement de l’African Entrepreneurship Award, un concours annuel visant à soutenir l’entrepreneuriat africain doté d’un million de dollars et dont les conditions seront dévoilées prochainement. Il a aussi indiqué vouloir développer l’Observatoire de l’Entrepreneuriat de la BMCE, qui vise à favoriser la mobilisation des ressources financières, à offrir des opportunités de networking et à diffuser une culture de mentoring.
Attijariwafa, un autre groupe bancaire et financier marocain, leader au Maghreb et connu pour son soutien à l’entrepreneuriat – le groupe soutient depuis plusieurs années le réseau Maroc Entreprendre et Injaz Al Maghrib, offre des services bancaires adaptés aux très petites entreprises et collabore avec Endeavor Morocco pour le recensement et l’accompagnement spécifique des sociétés à plus forte croissance – avait aussi une annonce à faire.
Le groupe a en effet dévoilé son partenariat exclusif avec PayPal. Ce nouveau service, baptisé Attijari-PayPal, permettra aux e-commerçants marocains de rapatrier leurs fonds de leurs comptes PayPal vers un compte bancaire Attijariwafa Bank, en dirhams ou dans d’autres devises. Ce nouveau service s'inscrit dans la stratégie du groupe de soutenir le paiement en ligne, le groupe est notamment actionnaire de Maroc Telecommerce.
Il est intéressant de noter que les deux banques n’en sont pas à leur coup d’essai puisqu’elles sont toutes les deux actionnaires du MITC (Moroccan Information Technopark Company), la société de gestion en charge du Technopark, du fond d’investissement MNF et le fond de soutien à l’innovation CMI.
Les gouvernements se mobilisent aussi puisque le gouvernement marocain a annoncé l’organisation d’un événement annuel calqué inspiré par le GES et que le gouvernement américain a annoncé le lancement du fonds d’amorçage pour l’entreprenariat et l’innovation doté de 50 millions de dollars US en partenariat avec la Banque Mondiale.
Les organisations du Moyen-Orient et d’Afrique ont aussi affirmé leur intérêt pour le Maroc. La fameuse compétition MIT Enterprise Forum (MITEF) sera cette année, et pour la première fois, organisée au Maghreb, et plus exactement à Casablanca (vous avez jusqu’à fin décembre pour vous inscrire). Le fondateur d’ArabNet, Omar Christidis, était quant à lui présent pour explorer le potentiel d’un événement au Maroc. L’édition 2015 du Innovation Prize for Africa sera lui organisé au Maroc. Ce prix, initié en 2011par l’AIF, récompense les innovateurs Africains, y compris ceux de la diaspora (vous avez jusqu’au 30 novembre pour vous inscrire).
Crédit photo: GES