Il vend une startup à Viadeo, Taoufik El Jamali partage ses tuyaux
Peu de Marocains ont entendu parler de Taoufik El Jamali. Pourtant, le quadragénaire représente bien tout le potentiel de la diaspora maghrébine. En cinq ans, l’entrepreneur a réussi à revendre sa startup Unyk, à Viadeo et a participé à la vente de ClubNet à Match.com.
Aujourd’hui, il est le co-fondateur de Viral Ninja, une plateforme d’acquisition virale d’utilisateurs, devenue Sociable Labs suite à une fusion avec l'entreprise de social commerce du même nom. La startup installée à Montréal et San Francisco affiche une équipe internationale, constituée de Québecois, Américains, Français et Maghrébins (en photo, de gauche à droite, De gauche à droite, l'équipe au siège de LinkedIn: Mehdi Mehni, CTO, Cédric Poirier, Senior Product Manager, Muhieddine El Kaissi, Senior Software Engineer at Linkedin, Taoufik El Jamali, COO)
Il revient sur son parcours et partage ses conseils pour réussir sa vente à une grosse entreprise.
20 millions d’utilisateurs
Après avoir obtenu un bachelor en aéronautique à Moscou et avoir travaillé trois ans au Maroc dans l’ingénierie, Taoufik part, en 2001, à Montréal pour suivre un master de e-business et se reconvertir dans ce que l’on appelait alors les NTIC, les nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Là-bas, il rencontre Sébastien Brault, un québécois qui travaillait alors sur sa troisième startup, un site de rencontre francophone appelé Netclub.com. Ensemble, ils cherchent à créer un site capable de rapporter un très fort trafic à Netclub. En 2004, ils créent Unyk.com, un carnet d’adresses intelligent qui regroupe tous les contacts d'un utilisateur dans un carnet d’adresse unique et met automatiquement à jour les informations de ses contacts.
« On a dépensé 0 dollar en marketing, et un mois après le lancement, on avait 30 000 inscrits par jour », raconte l’entrepreneur. Un succès qu’il explique par la viralité du produit. « On a vraiment travaillé sur le produit pour le rendre viral. » La nature même du produit était virale puisqu’il s’agissait d’inviter ses contacts pour que leurs informations soient mises à jour automatiquement. Au delà de ça, l’équipe a travaillé à enlever toutes les frictions de partage. Le fait que l’app ait été mise en ligne en anglais, français et espagnol dès le début a aussi aidé, estime le co-fondateur.
Pendant trois ans, les deux entrepreneurs mènent de front les deux startups, mais cela change en 2007 quand il devient clair qu'Unyk représente le plus de potentiel. L'équipe manageriale signent alors le rachat de Netclub par Match.com. Le célèbre site de rencontre gagne ainsi plus de quatre millions d'utilisateurs francophones et Sébastien et Taoufik peuvent concentrer leurs ressources humaines et financières sur Unyk.
Peu après, Unyk atteint les 10 millions d’utilisateurs. Etant donné le succès de LinkedIn et Viadeo, l’équipe mit au point une stratégie pour transformer le carnet d’adresse en un réseau social professionnel dont la valeur ajoutée serait la synchronisation des contacts avec son carnet adresse web et mobile, et entame une levée de fonds de 15 millions de dollars.
Malheureusement, la crise de 2008 passe par là, les investissements sont gelés et l’équipe se trouve coincée. Elle propose alors à Viadeo de les racheter. Au moment du rachat en 2009, Unyk compte 20 millions d’utilisateurs, principalement en Europe et en Amérique latine, utilisant l'appli en plus de 8 langues. Pour Viado, il s'agit d'un aqui-hire qui offre au site français une expertise en viralité et recommandation. Pour les cofondateurs, il s'agit d'un achat salutaire mais qui laisse un goût amer. « On a eu deux exits, c’est très bien, mais on est très ambitieux, ce n’est pas ce qu’on souhaitait pour Unyk, » explique Taoufik El Jamali. « Il y avait beaucoup de choses qu’on voulait faire qu’on n’a pas pu faire. »
La clé pour un rachat réussi : le réseau
Alors, comment ont-ils fait pour réussir ces deux beaux exits ? Taoufik partage ses conseils avec Wamda.
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« Un exit, ça se prépare »
La première rencontre entre Unyk et Viadeo a eu lieu deux ans avant le rachat. Unyk, réalisant que Viadeo n’avait pas de graphe sociale (comprenez de cartographie de vos relations en sein d’un réseau social) et de recommandations d’utilisateurs, avait contacté le réseau social pour leur proposer un partenariat. Ce n’est qu’après l’échec de la levée de fonds qu’ils se mettent à discuter d’un rachat. « Le networking, ça fait partie du business », explique Taoufik. Mais il ne s’agit pas que de connaître plein de monde, il faut aussi parler de sa vision, continue t’il.
- « Pour recevoir, il faut donner. »
Il faut partager sa vision pour récupérer les feedbacks des gens et intéresser des acheteurs potentiels, estime Taoufik El Jamali. Il avoue cependant, qu’avant de déménager dans la Silicon Valley, il avait peur de partager sa vision de peur qu’on ne le lui vole. « Quand je suis arrivé à la Silicon Valley, j’ai changé d’avis. Je n’avais plus peur de parler de ma vision, le plus important ce n’est pas la vision mais l’exécution. » Ce qui ne veut pas dire qu’il faut dévoiler les détails ou l’exécution de sa stratégie, rappelle t’il.
- « Il faut regarder ce qui se passe sur le marché »
Il s’agit de comprendre ce que cherchent les entreprises susceptibles de vous racheter, estime l’entrepreneur. Il faut regarder le marché pour aligner son produit sur les tendances.
- « Il faut communiquer en interne »
Pour s’assurer que les personnes clés de l’équipe restent une fois le rachat officialisé, il s’agit de les intégrer dans la décision, de leur expliquer les enjeux en amont.
Le Maghreb en Amérique
L’équipe de Viral Ninja, le projet que Sébastien et Taoufik ont lancé après avoir vendu leur startup, est constituée de nombreux Maghrébins et Français. S’il y a un peu du hasard de la vie - le CTO, Mehdi Mehni, un Algérien, a utilisé son réseau d’Algériens montréalais, le frère de Taoufik a rejoint l’aventure, entre autres – il y a aussi une volonté d’intégrer la communauté maghrébine venue en Amérique du nord pour faire carrière dans le web.
« C’est sur et certain que depuis le début, je suis à fond à aider les gens des communautés. Si je vois du potentiel, je vais travailler avec eux », explique l’entrepreneur. « Quand on a fait 7 000km pour émigrer, c’est qu’on veut vraiment changer les choses » continue t’il. Les Maghrébins sont très bons dans ce qu’ils font, estime t’il, ils sont sérieux et investis et veulent faire avancer les choses mais ne savant pas communiquer sur leurs succès, que ce soit auprès de leur supérieur hiérarchique ou face à des recruteurs.
Quant à ceux qui sont encore au pays mais envisage de lancer leur startup, il y a en plus un problème de motivation, explique l’entrepreneur qui discute fréquement avec les jeunes entrepreneurs maghrébins. « Tu ne peux pas te contenter d’essayer, il faut être sûr et y aller à 100% parce que si tu n’es pas à 100%, dès qu’il y a un problème, tu vas baisser les bras » conclue t’il.