Digital Mania : comment rebondir après un échec
Il y a un peu plus d’un an, notre éditeur Glen Dalakian s’était pris d'intérêt pour un nouveau jeu, DefenDoor, et une nouvelle agence de jeux vidéo, Digital Mania, et ce n’était pas le seul. Il faut dire que l’histoire était belle : Digital Mania est une équipe africaine, arabe et autodidacte, produisant un jeu sympa, mettant en avant cette région du monde avec un budget riquiqui. Mais, le jeu n’a jamais marché.
Aujourd’hui, en Tunisie, Digital Mania reste une référence tech citée par tout le monde. Et pour cause, l’agence a rebondi et s’apprête à dégager ses premiers bénéfices. Je suis allée rencontrée toute l’équipe dans la maison qui leur sert de bureau.
Une équipe forte pour rebondir
Walid Sultan Midani, le cofondateur, l’avoue sans honte, DefenDoor, le projet sur lequel tout le studio a travaillé pendant 10 mois, le projet le plus important depuis le lancement de leur studio d’autodidactes, a échoué car ils n’avaient pas su garder suffisamment d’argent pour la distribution et le marketing et qu’ils avaient commis des erreurs dans la conception du jeu. Les premiers jours, le jeu a attiré jusqu’à 5 000 joueurs en même temps, et connu des parties de 1 000 joueurs. Mais une fois l’effet de curiosité retombé, les joueurs sont progressivement partis.
Cela aurait pu en décourager plus d’un, mais ce qui fait la différence de Digital Mania, c’est justement sa motivation, et sa volonté d’apprendre.
Quand ils se sont lancés, en 2009, personne au sein de l’équipe (ou en Tunisie) ne savait réaliser de jeu, ils ont donc tout appris ensemble. Pour réussir ce pari fou, l’équipe a dû créer un environnement qui leur permette d’apprendre et leur donne les moyens de travailler de façon intense sans perdre de vue leurs objectifs.
L’équipe a donc élu domicile dans une maison. Ils ont suivi cette façon de faire qui semble si normale aux Etats-Unis mais si atypique ici : être libre de son emploi du temps, s’amuser beaucoup, travailler beaucoup. Chez Digital Mania, pas de hiérarchie, « on n’a pas de titres », précise Walid Sultan Midani, le fondateur, « sauf moi qui CEO parce que c’est une obligation légale, et notre CTO parce que nous avons besoin d’un représentant pour les conférences », et d’expliquer que tout le monde a le droit de parole sur tous les secteurs. C’est ce model qui a donné à tous les employés l’envie de perserver.
Il faut dire que si le jeu a échoué, le buzz a bien marché. L’équipe a réussi à attirer le regard des studios et journalistes gaming d’Europe, et à leur prouver qu’ils avaient acquis un savoir-faire certain.
Savoir adapter sa stratégie
L’équipe a alors été contactée pour faire de la sous-traitance. Cela ne faisait pas partie de la stratégie initiale mais, face à ce premier échec, l’équipe a réalisé que c’était une bonne idée, justifie Walid Sultan Midani, « maintenant ça fait partie de notre startégie, ça nous permet de rester à flot et de bénéficier de transfert technologique ».
Viser haut
Cet échec a permis à l’équipe de devenir plus pragmatique, m’explique Walid « Si tu m’avais demandé il y a cinq ans, je t’aurais dit, "on va être les rois du monde, on va tout exploser", là j’ai appris à modérer, à être plus pragmatique ».
Pour autant, l’équipe a gardé son ambition et son objectif de concurrencer les gros studios et d’attaquer les grands marchés en proposant des services complets : jeux, mais aussi jouets et vidéos dérivées. L’équipe a aussi compris l’importance du marketing.
Elle a donc réuni au sein de leur maison, deux nouvelles entreprises : Marketing Attitude, qui est spécialisé dans le marketing en ligne (vidéos en ligne, réseaux sociaux, virilisation, achat d’espace) et Kart, spécialisé dans l’interactif et la cinématique et qui est en ce moment en train de travailler sur l’adaptation vidéo d’une bande dessinée sur Carthage. Les trois entreprises espèrent faire venir une entreprise de robotique prochainement pour pouvoir ajouter des compétences jouets.
Ce n’est pas pour autant un groupe, chaque entreprise est autonome mais elles travaillent ensemble. « Ca permet de garder l’énergie et de conserver ce niveau humain de management qui permet aux gens donnent leur maximum, et [de se sentir] responsable par rapport à ce qu’ils doivent faire » explique Walid.
Les trois entreprises sont toutes poussées par la même envie : faire passer la culture tunisienne et arabe sur le numérique pour la mettre en avant sur le marché international. « Tomb Raider, Indiana Jones, Prince of Persia, ça vient d’ici. Si nous on racontait ces histoires, ça pourrait donner une vision différente de toute la région », continue Walid, « On connaît tous la culture japonaise grâce aux jeux de vidéos et aux mangas, cela pourrait être la même chose avec le monde arabe. »