30 000$ en 24h : lancement réussi pour le crowdinvestment au Moyen-Orient ?
Il est dix heures du matin dans les bureaux de Nabbesh à Dubaï. L’équipe est sans voix. « Nous avons atteint 29% » répète quelqu’un avec excitation. Loulou Khazen, la fondatrice, ne cache pas sa surprise.
Hier à la même heure, Nabbesh, une plateforme mettant en
contact des individus qualifiés et d’autres à la recherche d’une
personne pour remplir une mission spécifique, lançait sa
campagne d’equity crowdfunding (investissement
participatif) sur Eureeca, la première depuis le lancement de la
plateforme d’equity crowdfunding le mois dernier.
Nabbesh compte aussi sur un tour de table qu’elle vient de
finaliser auprès d’investisseurs institutionnels et de business
angels. Le crowdinvestment est, pour Loulou Khazen, un test.
Elle essaie de lever 100 000$ US, correspondant à une participation
en capital de 6,67%.
« Le crowdfunding a toujours été quelque chose que j’ai trouvé
très intéressant, explique t’elle. Nous nous sommes toujours
demandé pourquoi ce n’étéait pas plus répandu dans ce coin du
monde, c’est un super moyen de collecter des fonds en phase
d’amorçage. »
Jusqu'à présent, le test est positif. A l’heure où nous publions
cet article, Nabbesh a levé 29 190$ US, à encore 89 jours de la fin
de la campagne.
Une histoire de financement assez unique
Peu de temps après son lancement en avril dernier, Nabbesh, qui signifie « rechercher » en arabe, gagne The Entrepreneur, l’émission de télé de du, un opérateur émirati, mettant en scène un concours entrepreneurial. Non seulement la startup gagne en visibilité, mais elle repart aussi avec un prix d’1 million d’AED (272 000$ US) de financement lui permettant d’agrandir son équipe et de développer de nouvelles fonctionnalités.
La dernière en date : l’intégration de PayPal pour financer les freelancers. La levée de fonds actuelle permettra de lancer une campagne de marketing.
Loulou Khazen aurait pu facilement se contenter d’un financement
via des business angels et des VCs, assure Chris Thomas, un des
cofondateurs d’Eureeca, mais elle a choisi de lancer une campagne
de crowdinvestment pour profiter de la force du public.
« Eureeca est bien plus qu’une plateforme de financement,
c’est un outil marketing » confie t’il, expliquant que les
investisseurs deviennent ainsi des ambassadeurs de la
startup.
Autre avantage pour Nabbesh, étant parmi les premières startups à
tester le service sur Eureeca, elle risque de profiter de l'intérêt
des médias.
Il faut avoir un bon réseau pour crowdfunder
Pour sa campagne sur Eureeca, Loulou Khazen s’est contenté
d’adapter le dossier qu’elle avait monté pour les investisseurs
institutionnels. Les investisseurs d’Eureeca recevront ainsi des
actions ordinaires quand les VCs recevront des actions
privilégiées. Les investisseurs d’Eureeca auront aussi le droit
d’investir lors des prochaines levées de fonds si et quand
elles auront lieu, peuvent recevoir des dividendes et bénéficier de
droits de tag-along et
drag
along.
Bien que les startups qui utilisent Eureeca peuvent personnaliser
les droits attribués aux investisseurs, ceux-ci sont standard.
« Eureeca fait très attention à protéger les intérêts de ses
investisseurs. » explique Loulou Khazen.
Si le nombre d’investisseurs via Eureeca dépasse un certain nombre,
une entité spéciale sera créée pour consolider ces
investissements.
Comme pour toute bonne campagne de crowdfunding, une bonne campagne de crowdinvestment repose sur le choix d’un objectif financier atteignable mais ambitieux explique Loulou Khazen. Elle a décidé de lever 100 000$, mais elle est sûre que dans le futur, une fois que le public sera plus familier avec le concept, les startups pourront lever plus.
A ce jour, les investisseurs ont mis chacun en moyenne 4
500$ dans Nabbesh, mais le premier investisseur a mis, à
lui-seul, 15 000$ selon Chris Thomas. Les investisseurs sont
pour l’instant équitablement répartis entre hommes et femmes et
sont principalement basés aux Emirats, probablement parce que
Nabbesh est basée aux Emirats.
Il est fort probable que ces investisseurs connaissaient Nabbesh
avant le lancement de la campagne, il est donc aussi fort probable
que les membres de Nabbesh n’étaient pas aussi surpris qu’ils le
semblaient s’ils étaient en contact avec leur plus fervent
supporters.
La rapidité des investissements confirme bien qu’une campagne de crowdfunding repose sur un facteur clé : le réseau.
Pour cette campagne, Nabbesh a pu faire appel aux 37 000 membres
de son service ainsi qu’à ses nombreux fournisseurs, amis et
connaissances.
Comme
SSX, une bourse pour le financement des startups lancée
récemment, Eureeca aide Nabbesh à faire parler d'elle,
notamment grâce à son réseau de 1 000 investisseurs inscrits
au site. Depuis son lancement le mois dernier, le site a reçu plus
de 100 000 visites uniques affirme Chris Thomas.
Cela présage t’il un succès pour Eureeca
?
Est-ce que les prochaines campagnes se passeront aussi bien que
celle de Nabbesh dans les 24 premières heures ? A ce jour,
plus de 60 petites et moyennes entreprises auraient déposé un
dossier auprès d’Eureeca, estime Chris Thomas. La plateforme en est
encore à faire ses due diligences sur ses dossiers.
« Nous voulons faire connaître le concept de crowdinvestment
progressivement mais nous ne voulons pas submerger nos
utilisateurs » explique t’il. La plateforme va bien évidemment
avoir à continuer à faire grossir sa base d’utilisateurs si elle
veut garantir aux startups que leur campagne soit vues par une
communauté d’investisseurs motivés et sérieux.
Certains critiquent le fait que sans investisseur professionnel, les startups manqueront d'accompagnement (ou alors recevront trop de conseils de tous les côtés). Mais pour Chris Thomas cela ne fait pas de doutes « dans dix ans, nous nous demanderons comment nous avons fait pour survivre sans [equity crowdfunding]. »